L'écriture et l'enregistrement d'Hawaiitalian m'avaient laissé le souvenir d'une expérience plaisante, spontanée, efficace. Quand à l'été 2016, nous sommes partis en famille pour les Pyrénées, embarquer le ukulele était une évidence. Le format EP, le nom de Pyrenelele étaient déjà décidés. Dans les bagages, j'ai ajouté une petite boite à rythme sur piles, et j'ai commencé à écrire. Je suis rentré avec 6 chansons à des stades de brouillon plus ou moins avancés. Très rapidement, Nothing's Changed était une maquette aboutie.

Et puis les projets et les sollicitations se sont accumulées. La nécessité de ne pas se disperser plus, Retrograde étant déjà sur les rails, on avait pas mal d'activité avec Monplaisir et Strange Milk, je faisais un peu de radio. Des changements aux niveaux personnel et professionnel ont eu lieu. La perspective d'un enregistrement rapide et spontané a fait long feu.

Surtout, j'avais du mal à saisir ce dont je voulais parler. Certaines ébauches étaient particulièrement bancales, sans que je me résolve à les abandonner. Je me suis éloigné de la personne que j'étais à l'origine du projet. A ma surprise, en 2020 et en 2021, alors que je n'avais "rien d'autre à faire", et bien que libéré de Retrograde, j'ai été incapable de me replonger pleinement dans le son. Plus que tout, j'avais besoin d'ailleurs. Progressivement, il est devenu évident que je devais m'extraire de mon quotidien pour espérer refaire de la musique un jour.

En janvier 2022, j'ai décidé de me libérer de toute contrainte professionnelle. A l'origine, je voulais voyager, mais mon impréparation et les indicateurs épidémiques m'en ont dissuadé. J'ai décidé de louer un gite pour une semaine, avec pour unique intention l'enregistrement de Pyrenelele. Je me suis replongé dans mes maquettes, dans mes paroles, et peu à peu j'ai compris grossièrement ce que je souhaitais exprimer. A défaut de traverser la France, j'ai emprunté Henrietta la Twingo, et je suis allé dans le massif du Pilat, à une bonne heure de Lyon. J'ai été très bien aidé par mes proches. Je ne serai jamais assez reconnaissant pour ça.

Sur place, j'ai passé une semaine à essayer de trouver mon rythme. Expérimenter avec mes 4 pistes k7, tenter de faire sonner cet ersatz de guitare à 4 cordes. Comme à chaque fois, s'imposer des nouvelles contraintes pour s'exprimer autrement. Parfois, je suis sorti pour marcher dans la forêt et la campagne environnantes, les yeux rivés sur le Crêt de l'Oeillon blanc de neige.

Le mixage a été plus laborieux que prévu. Il a fallu trouver des interstices dans un emploi du temps que je ne sais toujours pas gérer. Accepter l'idée que certaines prises supplémentaires étaient nécessaires, et qu'elles se feraient chez moi, à Lyon, à rebours de mon intention initiale. Ce travail a aussi été, parfois, plus gratifiant que prévu. Fin janvier, j'ai aidé Matthieu à enregistrer auprès de Mathieu, et je crois que j'ai un peu appris de cette expérience, peut-être que ça s'entend.

Aujourd'hui, au moment de diffuser cet EP, j'ai le sentiment d'avoir épuisé mes compétences du moment. Malgré tout, je me sens peut-être un peu moins insatisfait qu'avant. Une période où les vieux projets se bouclent, pour enfin laisser venir la suite, une page un peu plus vierge qu'avant.